Résumé d'ouvrages de François Garçon traitant de la démocratie directe vécue en Suisse. réalisée par Pascal Loaec
fiche de lecture in extenso:
J’ai choisi d’orienter mon travail non pour faire la promotion de la culture Suisse mais sur le principe de la démocratie directe et de ses conséquences heureuses ainsi que sur les sujets sensibles qui continuent de diaboliser la Suisse. Pour cela, je me suis basé sur deux livres de François Garçon pour en extraire des passages très spécifiques et instructifs sur le modèle Suisse : « Le modèle Suisse » édition Tempus 2011 et « Le génie des Suisses » Edition Tallandier 2018. François Garçon, Suisse par son père et français par sa mère, docteur en histoire, enseigne l’histoire du cinéma à la Sorbonne, après avoir travaillé vingt ans dans le secteur privé. Spécialiste de la Suisse, il prend plaisir à vanter aux français les qualités, les mérites et les succès de son pays d’origine. Pascal
« Prospérité, droit et liberté : voilà en fait les trois piliers d’un pays qui entend faire le bonheur de ses habitants » La Suisse classée deuxième après le Danemark en 2007. Le revenu par tête étant de loin le plus fort déterminant du bonheur (le BNB : bonheur national brut). Ces données ont changé entre temps (Voir tableau en fin de doc)
« Le système Suisse, comparé à ses voisins apparaît comme un exemple d’équilibre politique, d’efficacité économique et de saines gestions des différences. La Suisse est une montre à complications, sur laquelle des milliers d’horlogers amoureux de leur travail règlent chaque jour des millions de roues dentées. Cette montre absorbe les évolutions de la société ou les sursauts politiques.C’est pourquoi ce pays tient son cap » Charles Kleiber ancien secrétaire d’Etat suisse à l’éducation et à la recherche.
Force est de reconnaître aux suisses une maturité politique que peuvent leur envier tous les voisins et d’avoir gardé sa fierté et, vertu plus rare, un indéniable sens des réalités qui le préserve des résultats « chaotiques » d’une Californie expérimentant des procédures de démocratie directe. Comme quoi la pratique de la démocratie la plus simple n’est pas à la portée de tous et sa réussite présuppose une grande maturité politique, fondée sur des siècles de dialogues et de compromis. En Suisse la majorité ne peut être que l’addition de minorités consentant à couper dans leurs programmes respectifs sans céder sur les principes : ni reniement, ni largesses démagogiques (exemple du parti UDC extrême qui s’est vu progressé électoralement mais dont son mentor a été écarté.)
Côté politique, le taux de participation est insuffisant mais quand les enjeux sont importants, les citoyens se déplacent (effritement de l’esprit civique ? Perte d’adhésion au système de la démocratie directe où le citoyen dit son mot à son mandataire ? Infantilisation d’un peuple qui ne parvient plus à mesurer l’importance de l’acte civique ? exact mais pas propre à la Suisse. Les Helvètes ne se montrent guère enclin à la rhétorique et aux débats d’idées. Il est vrai qu’initiatives et référendums sont peu propices au rêve : il n’y est jamais question de changer le monde, mais plutôt de régler des problèmes de proximité. De l’horlogerie en quelque sorte.
A la différence d’une Europe de 360 millions d’habitants, où les citoyens ont délégué leurs pouvoirs souverains à un organe communautaire tel que la commission à quoi les états européens préfèrent désormais les coordinations, ne choisissent-ils pas la politique que la Suisse a toujours défendue ? Le respect des prérogatives nationale est la feuille de route que la confédération helvétique a toujours suivie. En cela, elle préfigure l’importance grandissante des particularismes régionaux, l’attachement à ces micro-identités culturelles...est-on bien certain aujourd’hui que l’Europe représente le destin de la Suisse ? Et si l’inverse était vrai ? Si l’exception helvétique préfigurait en fait un vaste mouvement prospérant partout en Europe, tant en Catalogne qu’en Flandre, de régionalismes identitaires qu’annonce le cantonalisme suisse si fier de son identité, si attaché à sa souveraineté ?
Il est certain qu’au plan international « la Suisse ne dicte pas les modes ». Elle ne l’a jamais fait. L’auteur de cette remarque est américain et il lui semble peu concevable que son continent de 295 millions d’habitants puisse tirer profit des mécanismes politiques d’une république trente et quelques fois plus petite. Selon nous la France a tort de faire preuve du même aveuglement impérial. Considérant les difficultés qu’elle rencontre et qu’elle ne sait manifestement plus gérer, elle pourrait avoir intérêt à tenter d’adapter chez elle des outils politiques qui ont permis au petit voisin helvétique de prospérer. Dans cet écosystème qui n’a pas taille d’un timbre-poste mais la superficie de l’Aquitaine ou de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les choix collectifs passent autrement qu’en les imposant, les populations immigrées ont été accueillies sans être concassées, une industrie du savoir s’est renforcée pour régater avec les meilleurs, très loin devant la France, l’Italie ou l’Espagne, et une formidable prospérité au bénéfice du plus grand nombre a été rendus possible, le tout supervisé par un Etat minimal. Quel pays peut se vanter d’un pareil bilan ? La France n’aurait- elle pas intérêt à enfin tenter d’importer certaines recettes helvétiques, autres que la fondue, quitte à les adapter sans les dénaturer ? Qu’on songe à la souveraineté du Parlement, à l’initiative populaire et au droit du référendum, notamment lorsqu’on rapporte la modicité de leurs coûts à leur efficacité comme instruments de gouvernement. Réforme de l’Etat et régionalisation n’auraient-elles pas beaucoup gagné en efficacité et profondeur si, régulièrement les électeurs français avaient été informés et appeler à s’exprimer ? Dans un monde que façonne irrésistiblement les réseaux sociaux, la politique fondée sur la seule démocratie représentative est condamnée à la panne. Avec leur démocratie directe sophistiquée, les Suisses depuis plus d’un siècle, ont développé une alternative au clientélisme irresponsable. Le système suisse a non seulement fait la preuve de son efficacité politique (stabilité, prospérité, démocratie) mais préfigurait l’intrusion permanente des citoyens dans l’arène du pouvoir, à quoi invitent désormais les innombrables outils de communication.
La Suisse diabolisée
La question juive
Accusée d’avoir fermé ses frontières aux réfugiés juifs pendant la 2ème guerre mondiale, comme d’autres l’ont fait (EU, Angleterre, la plupart des pays). La neutralité Suisse a permis à un certain nombre d’Israélites d’échapper au massacre. Il y avait 6000 à 7000 juifs en 1939, 22000 ont été accueillis pendant la guerre. La neutralité n’était pas un choix facile. Et quelle politique la Suisse devait-elle adopter face à son voisin impérialiste, liquidateur en 5 semaines des armées hollandaises, belges et françaises ?
Haro sur les banques
La Suisse n’a pas attendus le 11 sept 2001 pour imposer à leurs banques les devoirs de vérifications claires concernant l’identité des ayants droits économiques de fonds déposés chez elles. Elle s’y était déjà attelé avec la convention de diligence de 1977.
Accusé d’être un des paradis fiscaux aux portes de l’Europe, la Suisse concentre les sièges sociaux des entreprises transnationales moins pour ses impôts (Genève, lieu de toutes les concentrations de sièges a la plus lourde fiscalité des 26 cantons) que pour des raisons administratives (2 fois moins de temps pour remplir les formulaires administratifs qu’en France) et de « réservoir » humain (abondante main d’œuvre, bien formée, multilingue, écoles internationales) et du bien vivre.
Quant au fameux surpoids des secteurs bancaires et de l’assurance à quoi se résumerait le PIB helvétique, il concerne à peine 5,6 % de la population active. Générant 15% du PIB Suisse, ce secteur fait preuve de très forte productivité. A la différence des paradis fiscaux, la Suisse tire son PIB d’une
multitude de secteurs à fortes valeurs ajoutées tels que chimie, la mécanique de précision, la biotechnologie, la pharmacie. Le PIB par habitant place la Suisse 2ème après les EU.
Le blanchiment d’argent
Les intermédiaires financiers, qu’il s’agisse de banques, de sociétés d’investissement ou de sociétés fiduciaires, ont déployés des trésors d’imagination pour éviter à leurs clients, généralement des fortunes étrangères, la tonte fiscale de leur pays. Cette activité est illicite et la traque est régie par la loi du blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier du 10 octobre 1997. Les personnes réputées exposées sont les chefs d’Etat ou de gouvernement, les politiciens de haut rang, les hauts fonctionnaires...
Le blanchiment d’argent n’est plus ce qu’il a été, ne serait-ce que parce que les espèces tendent à disparaître, remplacées par la monnaie électronique de traçabilité facile. Quand les banques ne savent plus quoi faire des liquidités qui leur sont confiées, les lardant d’intérêts négatifs, et quand les transactions en liquide sont plafonnées à des niveaux dérisoires, le blanchiment peut se faire du mouron
Un isolationnisme inconvenant
Avec une constance non démentie, le peuple suisse a repoussé à de larges majorités le principe d’une adhésion à l’UE (seulement 17 % des Suisses pensent que le pays doit devenir de plein droit de l’UE) Malgré les augures pronostiquant un appauvrissement du pays dû à sa frilosité au rattachement, la Suisse peut prospérer à l’écart de l’EU avec l’avantage de la flexibilité.
Comment expliquer l’attitude des Suisses vis-à-vis de l’Europe (cette vaste machinerie) ?
L’abandon de la souveraineté populaire au profit d’un catalogue de normes rédigées par des organismes non élus fait problème bien au-delà de la Suisse. Elle observe le déplacement de certains composants de la souveraineté nationale au bénéfice d’institutions supranationales qui ne se bornent pas à suggérer mais à imposer des mesures contraignantes, minant ainsi les principes de la démocratie. Autre problème, la lente dissolution des gouvernements centraux avec la montée en puissance des régions en Europe, les Suisses ne sont-ils pas fondés à se dire que, là encore, leur cantonalisme a montré le chemin ? Ne préfiguraient-ils pas la décomposition des centres politiques au profit d’un autonomie des pôles de décision ?
Une économie menacée par la cartellisation.
Le marché suisse, que contrôlent un petit nombre d’opérateurs en matière d’offre (cartels ubiquistes) présents dans l’alimentation, le logement, l’eau, l’électricité, l’agriculture, les médicaments, conduit à un surcoût allant de 11 à 31 % par rapport aux pays limitrophes. Autres couacs : la faillite de l’emblématique compagnie nationale et les dérives spéculatives de l’UBS. Le contribuable suisse supporte très mal l‘interventionnisme d’état.
L’intégration sociale
Les étrangers
Compte tenu de multiples facteurs, notamment démographiques, aucun Etat européen ne peut se dispenser de cette main-d’œuvre étrangère. « C’est faire insulte à l’humanité que d’affirmer, dans les pays où le taux de fécondité est tombé en dessous de la barre fatidique de 1,3 enfants par femme que les retraites ne sont pas menacées » observe Ulrich Beck, et que, par conséquent, l’immigration ne serait pas nécessaire
Selon l’Office fédéral des migrations (ODM), la Suisse compte aujourd’hui 1,5 millions d’habitants d’origine étrangère, soit 20,7 % (24% en 2018)de la population totale contre 6,3% en Autriche pour un territoire deux fois plus vaste, 7,4% en France soit 4,5 millions.
De nombreux textes dénoncent les conditions d’accueil des immigrés en Suisse. Sans nier que des difficultés existent aussi en Suisse, la situation des minorités issues de l’immigration dans les villes britanniques, françaises ou hollandaises s’avèrent bien plus préoccupante.
La proportion d’étrangers vivant en Suisse n’a cessé d’augmenter : 5,2% en 1941, 15,8% en 1970, près de 21% en 2008. Si la xénophobie était si forte qu’on le dit, quels seraient les ressorts d’une présence étrangère aussi massive sans équivalent dans aucun état européen ? A la base ce sont les communes et les quartiers qui permettent ou interdisent l’intégration.
Salaires mis à part, les étrangers y trouvent-ils leur compte ? Sont-ils heureux dans leur pays d’accueil ? Selon le professeur Philippe Wanner, 70% de cette population exilée associent leur immigration en Suisse à « une amélioration de leur situation professionnelle », contre 12% qui ressentent « un sentiment inverse ». Les français et les latins se disent les « plus heureux » d’être en Suisse.
Combattre le refus d’intégration
Fondamentalement, l’identité suisse est cantonale ou, plus exactement, communale. C’est une identité de clocher, intelligible à tous les Français dont le véhicule arbore ici une tête de Maure, là le triskel, là, la croix celtique. Qui dit identité, dit avant tout identité culturelle.
Xénophobie, intolérance des Suisses ? Eventuellement. Mais à l’inverse, le racisme ne se trouve-t-il pas aussi chez celui qui refuse la culture d’accueil et donc, en définitive, l’intégration ? (Le repli familial Kosovar, la fixation temporaire des chinois sont des problématiques)
A l’inverse de la politique de la plupart des pays ango-saxons où triomphe une logique communautariste, la Suisse a refusé que se développent des quartiers homogènes où viennent s’entasser les migrants. On sait que le ghetto répond souvent au désir des immigrés : il permet la préservation d’usages culturels qui adoucissent la dureté de l’expatriation. En août 2007, le directeur de l’Office fédéral des migrations (ODM) recommandait « aux cantons de ne pas prolonger le permis de séjour en cas de mauvaise intégration. » Les villes suisses et leurs banlieues ne connaissent en effet pas de ghettos où certaines populations issues de l’immigration seraient concentrées. Rien de comparable avec ces quartiers à Berlin où s’entassent les Russes ou avec ses 300 000 immigrés turcs. La Suisse fait l’économie des foisonnements de dispositifs français -ZEP, ZUS, ZRU, ZFU – destinés à assurer le développement social des quartiers avec les résultats piteux que l’on connaît. Ce modèle n’a pas d’équivalent en Suisse. Ici pas de grands principes universalistes mais un pragmatisme de quartier dans chacune des 2700 communes du pays.
La France a développé une conception « universaliste » de la citoyenneté où les migrants, pressés de se ranger sous la bannière républicaine, ne peuvent se prévaloir de leur identité (culturellle). A l’opposé de ce modèle, dont l’état des banlieues dévoile les limites, on trouve l’idéal communautarisme multiculturaliste britannique ou hollandais. Abri de l’altérité, le ghetto est le lieu protégé qui préserve des habitants venus d’y établir. Rien ou peu leur était demandé jusqu’à une date récente si ce n’est de ne pas troubler l’ordre public. Ce modèle souvent cité en exemple car respectant les coutumes des migrants, est aujourd’hui considéré en faillite. En fait de protection, les migrants s’appliquent à construire une société parallèle appelée à s’affronter à la culture du pays
d’accueil. Le ghetto nourrit le racisme et la xénophobie. Il existe un troisième modèle : le suisse. Le migrant fait ici l’objet d’un pesant parcours initiatique où, personnellement accompagné, il doit faire la preuve de son désir non pas seulement d’avoir un passeport à croix blanche, mais de devenir suisse. Au prix de son acculturation ? Non le candidat à la citoyenneté suisse pourra « garder son identité. Ceci n’est pas incompatible avec la nationalité suisse pour autant que la nouvelle identité soit suffisamment affirmée. » «
Il ne faut surtout pas qu’ils perdent pied dans leur propre cuture, dit René Longet. Il n’y a aucune raisn pour que les nouveaux Suisses abjurent leur passé, leur culture de départ. L’assimilation se fait d’autant mieux que cette base est préservée. » « Il faut tout mettre en œuvre pour que les nouveaux citoyens suisses puissent maintenir leurs traditions. La Suisse est née d’un brassage de grandes quantités de populations. Il convient de ne pas rompre ce long processus, notamment quand on voit ce qu’il a donné. » Cédric Schoeni
Un modèle social consensuel : conventions collectives et paix du travail
« Il faut le temps d’aller de Paris à Genève pour lire le droit du travail suisse. On n’a pas assez de temps en faisant le tour de la terre pour lire celui de la France »
Un pacte de paix social de 1937 était signé entre les associations patronales de l’industrie et la fédération des ouvriers sur métaux et horlogers. La grève était rangée parmi les recours ultimes. Etait ainsi convenu « d’élucider réciproquement », selon les règles de la bonne foi, les principaux différends et les conflits éventuels, de chercher à résoudre ces derniers sur la base des dispositionsde la présente convention et d’observer pendant toute sa durée une paix intégrale. Voilà plus de 70 ans, qu’en Suisse l’esprit du compromis gouverne les relations professionnelles. Condamnés à s’entendre, les partenaires savent qu’au final des concessions réciproques seront consenties. Globalement les Suisses sont heureux au travail. Les accords de branches, les conventions collectives fixent les salaires, la durée du travail dans le secteur concerné, les dispositions particulières que chacune des parties (patrons et employés) s’est engagée à respecter, enrichie au fil des années par des clauses concernant les congés payés, les mutuelles ou encore les jours fériés. La paix du travail bénéficie à tous : en cas de conflit, les salariés n’ont pas à se tourner vers un état impuissant qui, en quête de temps jusqu’aux prochaines échéances électorales multiplie les promesses, quitte à jouer les pompiers pyromanes. De leurs côtés, les parlementaires ne se mêlent pas de fixer des conditions particulières pour l’exercice de telle ou telle profession, dont ils ignorent généralement tout. Autant laisser cette responsabilité aux intéressés, employeurs et employés de la branche, les mieux placés pour trouver les solutions idoines. Même si des grèves éclatent, elles sont 40 fois moindres que la moyenne européenne s’explique par la culture du dialogue. A quoi s’ajoutent les deux instruments de consensus que sont l’initiative populaire et le référendum facultatif offrant un canal supplémentaire pour la mobilisation des mouvements sociaux en Suisse. De cette culture du compromis, les partis en présence sortent renforcées (un jour de grève par an pour 1000 habitants
En matière du droit du travail, la confédération marche sur des œufs. Même si les compétences fédérales se sont élargies, les cantons revendiquent leur souveraineté et à bien des égards, celles qui sont à leur disposition sont larges.
Les Suisses ont un salaire quasiment triple de celui des Français (1900 heures travaillées par an en Suisse pour 1600 heures en France) et les Français sont en outre trois fois plus nombreux à être sans emploi.
Les Suisses ne cessent d’évoquer la crise qui frapperait leur pays ou bien plus anxiogène qui se profilerait. Les Suisses semblent trouver du plaisir à crier au loup. Pourtant, à chaque occasion la
population prouve qu’elle est capable de s’adapter sans grogner aux urgences de la situation, comme elle l’a montré lorsque, suite au renchérissement du franc, la durée de travail a été immédiatement rallongée dans certains secteurs. Rallonge hebdomadaire de plusieurs heures de travail non payées, obtenue sans cris ni fureur.
La votation du 12 juin 1988, 65 % des électeurs refusaient l’initiative « pour un abaissement de la retraite » qui sera approuvé par plusieurs votations.
Le 19 novembre 2014, les Transports Publics Genevois firent une grève totale. Venus du monde entier, les médias ont couvert cette curieuse anomalie.
Ce que disent les rejets à répétition des initiatives proposant six semaines de vacances, un revenu de base inconditionnel ou un salaire minimum, c’est l’allergie des Suisses aux concoctions simple à comprendre, qui tombent d’en haut, applicable sans discussions ni négociations, consistant à taxer les « riches ». Comme si les Suisses doutaient de l’existence des vases communicants entre riches et pauvres et soupçonnant que la collectivité ne s’enrichissait pas en ponctionnant les créateurs de richesse.
Il y a une idéologie méritocratique, le héros national est moins le cadre supérieur, bombardé à la tête d’une mégaentreprise où il ne restera qu’un temps, que l’entrepreneur s’étant forgé son propre destin dans un projet porté à bout de bras et qui l’aura fait triompher (99% des entreprises sont des PME effectifs inférieur à 250 salariés). Voilà pourquoi en Suisse, les PME concentrent l’attention des médias. Ce sont souvent leurs patrons qui siègent sur les bancs des Grand Conseil ou sous la coupole du Palais fédéral.
Deux PME sur trois agissent hors de Suisse montre à la fois leur capacité d’exportation et la qualité des infrastructures. Vers la Chine, les ventes suisses ont progressé de 15 % par an entre 2000 et 2013. A titre de comparaison la France progressait à peine de 2 %.
Selon le quotidien français Les Echos (mars 2016), « le PIB par tête suisse était égal au PIB par tête français en 1973 ; il est le double aujourd’hui. » En matière d’épargne brut les Suisses sont trois fois plus riches que les Français. Autre indicateur, à peine 13,6 % des Suisses ne voyagent pas. Le % monte à 40% pour les Français ou les Espagnols.
La Suisse est un îlot de cherté aux yeux des pays européens qui subissent des prélèvements moindres mais dont les organismes sont en quasi-faillite. Autrement dit, les salariés hors de Suisse vivent à crédit, crédit aujourd’hui consenti par les caisses de pensions américaines et les fonds de placement asiatiques. Nul ne peut raisonnablement garantir la soutenabilité d’un tel endettement qui souligne une gestion calamiteuse et inique, eu égard aux montagnes de dettes qui s’accumulent. D’un naturel prudent les Suisses n’hypothèquent donc pas la santé de leurs organismes sociaux.
La répartition des richesses
Pour la Suisse, le coefficient de Gini (0 représentant l’égalité parfaite, et 1 l’inégalité parfaite) est bas (0,31 en 2012), plus bas qu’en France pourtant biberonnée à l’égalitarisme (0,33), nettement plus bas qu’en Italie (0,35) où les inégalités prospèrent. A ceux que le concept d’opulence appliqué à la population fait bondir, on signalera que 400 000 personnes en Suisse sont millionnaires. Mais ils s’en trouvent toujours qui objecteront que millionnaires, 7,8 millions de Suisses ne le sont pas, comme sicette richesse ne ruisselait pas jusqu’aux bourgades les plus périphériques, y compris aux frontières du pays. En août 2017, on apprenait que Douvaine était la ville de France où les nounous percevaient les plus hautes rémunérations...
La fiscalité suisse, enjeu du développement.
Le clair découplage des responsabilités et des dépenses entre les échelons fédéral, cantonal et communal permet d’éviter le cancer bureaucratique qui consiste à doublonner les emplois à chaque échelon. La bonne santé des finances suisses tient également à leur décentralisation et à l’obligation de résultat des autorités cantonales, ne serait-ce qu’en raison des comptes qu’elles rendent à des administrés qui veillent au grain. Car, s’il est un domaine où le pouvoir souverain se montre vigilant, c’est bien celui de l’impôt.
A l’instar des Etats européens, les cantons s’adonnent à la sous-enchère fiscale, tendance lourde -. Soit nous réagissons, soit nous perdons encore plus -. Mieux encore, c’est entre les communes d’un même canton que la lutte fiscale fait rage. L’enjeu de la concurrence vise à diminuer les prélèvements. Les taux d’impositions Suisses bénéficient de ce fait d’une légitimisation extraordinaire populaire puisque c’est le contribuable lui-même qui décide à quelle sauce il sera mangé. La concurrence fiscale n’étrangle pas l’Etat Suisse, mais le rend très efficace à la différence des politiciens européens gaspilleurs qui veulent l’égalité de l’imposition pour le cartel de taxation dirigé contre leurs propres électeurs.
Une démocratie rustique
Power to the people.
La Constitution et une élection ne produit pas une démocratie. Les citoyens doivent encore se mêler activement de ce qui les concerne en évitant d’amener le chaos. Les Suisses ont mis en place des institutions qui permettent de neutraliser l’action de masse, contre-productive et antidémocratique qui paralyse la rue dans les pays environnants. En démocratie représentative, le mandataire, appelons-le député risque la non-réélection si ses services rendus sont jugés décevants au terme de sa législature où il est resté non contrôlable par ses mandants. Soucieux d’avoir barre sur ses élus, le pouvoir souverain suisse a instauré une mécanique permettant à l’électeur de rappeler à son représentant qu’il n’est que son mandataire.
Ces instruments politiques, grâce auxquels le peuple non seulement se prononce mais est lui-même l’instigateur pacifique de changement institutionnels, sont le droit d’initiative et le référendum populaire, mis en œuvre en Suisse plusieurs fois par an depuis plus d’un siècle et demi. C’est là qu’est le mieux pratiquée cette démocratie délibérative qui enrichit la démocratie représentative en favorisant à tous les niveaux de la société, l’existence de sphères publiques où se mènent d’intenses discussions en se rendant au meilleur argument plutôt qu’au cours du pur exercice de pouvoir. Ces deux droits de codécision étendus permettent au peuple de faire valoir son opinion librement, d’accepter ou de rejeter les projets de loi forgés par les parlementaires élus. Cette pratique évite le populisme paralysant et démagogique, comme le prouve l’immuable tranquillité de la viedémocratique suisse.
L’initiative populaire : le peuple propose
« La Suisse est une confédération de républiques lilliputiennes dont le monarque se nomme Suffrage Universel. On consulte ce monarque 20 fois par an, pour lui faire rendre ses oracles. On le consulte sur les sujets les plus divers, aux trois niveaux constitutionnels (municipal, cantonal, national), souvent le même jour. Et il ne se borne pas à élire, comme dans la majorité des pays démocratiques, il répond aussi à toute une batterie de questions, émanant soit des pouvoirs publics, soit des citoyens eux- mêmes ; c’est la procédure dite du référendum d’initiative populaire » Georges ARES
L’initiative populaire est la pièce centrale de la démocratie participative suisse. Ce droit introduit un effet vertueux auquel aucun français ne saurait être insensible : il rend en effet acceptable la contrainte étatique. Quoi de plus civique que cette entreprise délibérative qui, stylo en main, sur le trottoir consiste à discuter et convaincre les passants d’apposer leur signature en bas d’une pétition ? Une telle démarche, qui ne peut réussir qu’avec le concours massif des citoyens dans l’isoloir, est le fondement de l’idéal démocratique. Cette démarche a fait parfois l’objet de détournements en envoyant par la poste des cartes-réponses à renvoyer à l’expéditeur la pétition signée. Depuis 1977, la moisson de 100 000 signatures permet de faire aboutir une initiative constitutionnelle et 50 000 pour le référendum mais l’initiative peut n’avoir de portée que cantonale. Chaque constitution fixe lequorum de paraphes requis :2000 pour le Jura, 10 000 à Genève, 15 000 à Berne... A une proposition de loi bâtie en terme généraux, soit, le plus fréquemment, un texte constitutionnel ficelé, que, ni le Parlement, ni le gouvernement ne corrigeront, les autorités opposent généralement un contre-projet de teneur plus modérée et plus adaptée aux contraintes de l’exécution politique. « Issues d’une minorité, elles n’obtiennent que rarement l’agrément du peuple. Mais elles suscitent des contre- projets, des changements de lois ou d’ordonnance qui font que pour finir, il s’est quand même passé quelque chose. Et puis on a discuté, et cela aussi est enrichissant » Aubert
« Nul autre droit politique que l’initiative ne renforce mieux la cohérence nationale. A quoi s’ajoutent les menaces du référendum ou de l’initiative qui refroidissent les éventuelles bouffées délirantes chez les parlementaires. On mesure combien cette mécanique est aux antipodes des systèmes français et italiens où le pouvoir a déserté les Assemblées. Selon le déroulement théorique des opérations, le Parlement vote une loi, ou le gouvernement, issu de la majorité parlementaire, expression de la volonté générale, prend une décision. L’opposition a pu discuter le projet, déposer maints amendements, contesté la mesure. Mais la majorité étant la majorité, le texte est adopté. C’est là dans les démocraties représentatives, que le processus législatif se termine. C’est là dans la nôtre, qu’il commence » et Rével de décrire l’engrenage français : « Dès le jour de la promulgation ou de l’application, on assiste à la rébellion du groupe social, de la catégorie professionnelle, du service public, de la classe d’âge, de la région, de la corporation, du syndicat dont les intérêts ou les privilèges sont ou paraissent visé par le gouvernement ou le législateur. Si les manifestations et les grèves ont assez d’ampleur, et surtout de violence pour paralyser et perturber au-delà du supportable, la vie nationale, cela vaut pour abrogation de la loi, retrait de la mesure. »
L’initiative permet l’économie des mouvements sociaux et neutralise les blocages corporatistes.
Le référendum : le peuple sanctionne
Si l’initiative populaire permet au peuple suisse d’initier des lois, il lui est encore donné, via le référendum, de se prononcer sur les décisions prises par le Parlement. Les lois fédérales, les arrêtés fédéraux de portée générale et les traités internationaux d’une durée indéterminée sont sujets au référendum facultatif. Que 50 000 citoyens en fassent la demande et le gouvernement et leParlement doivent soumettre leur travail au vote populaire. Avec l’arme du référendum, les personnels élus sont soumis au risque de désaveu permanent. Le référendum peut également n’être qu’à usage cantonal. Chacun des 26 cantons a ainsi fixé sont propre quorum (Genève 7000 signatures, Sion 1800...)
Pour Jean François Aubert, le référendum « rend l’innovation difficile. Le peuple suisse est profondément conservateur. Pas réactionnaire ; pas fascisant. Non, conservateur, lent au changement, méfiant, il est conservateur, sans qu’on ait à le lui dire. » On retiendra surtout qu’en toutes circonstances les sujets sont longuement débattus. Effet pervers ? « La procédure de
consultation peut rallonger la durée de préparation d’un projet de loi de presque deux ans. » Sans doute. Mais le but est de s’accorder sur un compromis politique durable.
En France, une proposition en nov 2006 « Droit d’initiative populaire » faisait partie des 77 propositions du comité Balladur pour améliorer le fonctionnement de l’Etat est morte né. La mollesse des convictions de leurs auteurs quant à l’urgence de faire entrer l’opinion public dans les institutions est patente. Pourtant cette 67e, proposition attendue par les Français est une fiction et le restera probablement longtemps encore.
La subsidiarité c’est quoi ?
Elle vise à privilégier le niveau inférieur d’un pouvoir de décision aussi longtemps que le niveau supérieur ne peut agir de manière plus efficace. Il évite le brouillage des compétences. Chaque niveau sait sur quoi il intervient et dispose normalement des moyens pour agir. Il s’emploiera à résoudre la question posée là où, dans un système centralisé, la tentation est grande d’avouer rapidement son incompétence pour se débarrasser du dossier. Dans ce cas il s’agit moins d’une attitude paresseuse que d’un calcul de bon sens : l’échelon inférieur sait par avance que le niveau supérieur supervisera la décision prise, suspectant d’emblée l’échelon inférieur d’incurie. Inversement, la subsidiarité oblige l’échelon ayant requis cette compétence à l’exercer jusqu‘au bout. D’autre part, il encourage le niveau inférieur à faire montre d’efficacité, ne serait-ce que pour tenir à l’écart le niveau supérieur. Intervention qui, si elle devait advenir, solderait un échec et justifierait un renoncement à l’exercice de cette compétence. Le principe de subsidiarité s’applique à dissocier le moins possible la prise de décision politique de son champ d’application : ceux qui endossent la décision sont proches de ceux qu’elle concerne. Il vise à maximiser l’efficacité de la décision politique.
La recette Suisse : la concordance
« Contrairement à la démocratie de concurrence qui permet à la majorité d’imposer sa loi à l’opposition, la démocratie de concordance exige de chaque partenaire qu’il sache tout à la fois modérer ses exigences et admettre en partie celle de ses adversaires. En retour, les gouvernants reçoivent les moyens de mettre en œuvre les orientations proposées aux citoyens. Tel est ce que recouvre la fameuse « formule magique » qui voit chacun des quatre grands partis se partager les sept ministères. On en déduira que la concordance est politique et non arithmétique, 14,2% des suffrages obtenus lors des élections ouvrant mécaniquement droit à un poste de ministère. Il garantit l’équité sans nuire à l’efficacité de l’action gouvernementale. Que demander d’autres ?
PIB par habitant 2019 en dollars (Union Européenne)
Luxembourg 124 000
Irlande Suisse Norvège Danemark
89 000 72 000 70 000
62 000
Pays Bas Autriche Allemagne Suède Belgique France Royaume Uni Italie Espagne
... Grèce
61 000 60 000 57 000 56 000 56 000 50 000 49 000 45 000 43 000
32 000
PIB par habitants monde 2019 (quelques exemples)
Singapour 101 000 Qatar 94 000 Iles Caïmans 73 000
E.U
Saint Martin Australie Canada Israël Argentine Bresil
Chine
Inde
65 000 60 000 53 000 51 000
42 000 23 000 15 000
12 000 2 000
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